Le réalisateur Martin Scorsese veut restaurer et préserver les film africains

Arzouma Kompaore 06/12/2017

L’icône du cinéma américain Martin Scorsese, la fédération panafricaine des cinéastes (FEPACI) et l’UNESCO ont signé un accord de partenariat le 7 juin dernier à l'occasion du lancement du projet Héritage du film africain. Un moment historique pour le cinéma africain auquel VOA Afrique a assisté. Exclusivité.

Précédemment annoncé lors du dernier FESPACO par Martin Scorsese lui-même, le projet Héritage du Film Africain a officiellement vu le jour lors de la signature d’un partenariat entre l’UNESCO, la Film Foundation de Martin Scorsese et la Fédération panafricaine des cinéastes, FEPACI. Une cérémonie au cours de laquelle chaque partenaire a pu réitérer son attachement au dit projet.

Aboubakar Sanogo, secrétaire regional de la FEPACI serrant la main de Martin Scorsese

Aboubakar Sanogo, secrétaire regional de la FEPACI serrant la main de Martin Scorsese

"Au départ, l’idée de la “World Cinema Foundation” était de restaurer et de rendre disponible de la meilleur façon possible, des films tournés dans des lieux qui n’ont pas les infrastructures nécessaires pour prendre soin de ces films et donc protéger leur héritage culturel." a déclaré Martin Scorsese dans son mot d'introduction. Il s'est ensuite estimé satisfait du travail déjà abattu. "Je suis très heureux que le travail ait déjà commencé au niveau du projet Héritage du Film Africain. Notre premier film restauré est “ Soleil O ” de Med Hondo, il a même été présenté au festival de Cannes cette année il y a quelques semaines de cela."

La directrice générale de l'UNESCO, Mme Irina Bokova s'est à son tour félicitée de ce nouveau partenariat qui s'inscrit selon elle en droite ligne des préoccupations de l'organisation onusienne.

"Je crois fermement au pouvoir de la culture, le pouvoir de la créativité, la liberté de créer. Et je pense qu'il n'y a rien de mieux aujourd'hui pour libérer ce potentiel de l'Afrique, que la culture et la créativité. Nous espérons qu'après leur restauration, nous pourrons les inscrire au registre de la mémoire du monde car ces films représentent l'autre pan de notre patrimoine commun. Je pense que nous ne ferons pas seulement justice à l'histoire et à la créativité africaine, mais nous encouragerons aussi les jeunes à continuer à se lancer dans de nouvelles aventures à travers des partenariats et à continuer de créer." Irina Bokova, Directrice Générale de l'UNESCO.

Mais le plus heureux de la soirée c'était incontestablement le sécrétaire régional pour l'Amérique du nord de la FEPACI, Mr. Aboubakar Sanogo, lui même professeur de cinéma à l'université de Carlson à Ottawa au canada. Il representait M. Cheick Oumar Sissoko, sécrétaire général de la FEPACI.

Pour Mr. Sanogo, cet accord est l'aboutissement du travail commencé par les pères du cinema africain. "Nous espérons que ce partenariat permettra d’explorer les voies et moyens à travers lesquels, et l’Unesco jouera probablement un rôle important de par son action de définition du cadre et son discours sur l’héritage mondial, on pourra redonner une dimension éthique au business de la préservation cinématographique." a-t-il precisé avant que les trois ne passent à la signature proprement dite.

Ce sont au total cinquante films qui ont été initialement identifiés par un comité consultatif mis sur pied par la FEPACI. Cette dernière a en charge de mener une enquête exhaustive pour localiser les meilleurs éléments cinématographiques existants pour chaque titre, dans les cinémathèques africaines et les archives cinématographiques à travers le monde.

De la gauche ver la droite: Yemani Demessie, cinéaste, professeur de cinema a NYU, Fatou Zongo, actrice burkinabé vivant à New York, Aboubakar Sanogo (FEPACI)

De la gauche ver la droite: Yemani Demessie, cinéaste, professeur de cinema a NYU, Fatou Zongo, actrice burkinabé vivant à New York, Aboubakar Sanogo (FEPACI)

Quelques acteurs du cinéma africain de New York City étaient présent. Ils s'agit de Mme. Mahen Bonetti, du festival du film africain de New York, Mr. Yemani Demessie, cinéaste éthiopien et professeur de cinema à l'université de New York (NYU), et Fatoumata Zongo, actrice burkinabè vivant à New York City.

"Plusieurs films africains produits au siècle dernier n’ont pas l’opportunité d’être vu par les cinéastes du monde, qu’ils soient africains australiens ou boliviens. C’est à travers de telles initiatives que ces films pourront faire partie du langage courant international." a soutenu Mr. Yemani Demessie.

Selon les mots du secrétaire régional de la FEPACI, "On peut retracer l’implication des africains dans le cinéma depuis au moins 1897. Nous espérons donc pouvoir avoir accès a cette partie occultée de notre histoire."

De la gauche ver la droite; Aboubakar Sanogo (FEPACI), Martin Scorsese (le Film Foundation), Irina Bokova (UNESCO)

De la gauche ver la droite; Aboubakar Sanogo (FEPACI), Martin Scorsese (le Film Foundation), Irina Bokova (UNESCO)

Dans son interview exclusive avec VOA Afrique, Martin Scorsese est revenu sur les raisons qui le poussent à faire connaitre les films africains restaurés aux américains.

"Ces films ont été fait par les Africains, sur les africains, pour les africains, pour le monde. Et il est temps de considérer cela comme un autre aspect de la culture. La pensée créative, l’action créatrice du continent entier. Le but [maintenant] est d’en éliminer l’idée de l’altérité chez les cinéastes en Amérique, les jeunes. Oui, leur montrer le caractère unique de la culture, et de qui ils sont, mais de les accepter comme étant des sources d’apprentissage, et avant tout qu’ils soient capables d’apprécier ces films africains, de ne pas les rejeter. Je pense que cela pourrait être très fructueux pour les jeunes cinéastes."

Scorsese a ensuite expliquer l'importance de donner du temps à un public donne de s'habituer au film. "Certains films peuvent ne pas plaire à certaines parties de la population. Je n'oublierai jamais mon film « Mean Streets » en 1973. Mes amis et moi, nous nous sommes dit : le film a eu du succès au festival du film de New York, alors partagez le avec le reste du pays mais Le studio s’y est opposé en disant que le film devait être projeté dans un seul endroit, afin de permettre à un public de le connaître un peu plus. Mes amis m'ont convaincu et ont convaincu le studio de lancer une sortie nationale et nous l'avons fait, et le film est mort. Ils ne l'ont pas aimé au Texas. Le Texas est différent. Voyez-vous ce que je veux dire ? Il faut préparer le public pour accepter un film. Vous devez commencer quelque part et inviter d’autres personnes à le voir. Ne le rendez pas étranger, faites en quelque chose dont nous pouvons tous apprendre et dont nous pouvons faire partie. Donc il ne s’agit pas de se jeter à l’eau. Vous devez analyser ce qu'il faut faire." Martin Scorsese, président fondateur de la Film Foundation.

L'avenir du patrimoine cinématographique africain est donc prometteur sous le regard de la légende hollywoodienne de soixante quatorze ans qui s'est récemment associé au géant de la video à la demande Netflix pour produire son tout prochain film, " The Irishman". Un film gangster dont le budget s’élève à plus de cent vingt-cinq millions de dollars.

VOA Afrique

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